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Árpád Pusztai, Whistleblower
dimanche 18 septembre 2011, par
Qu’a-t-on le droit de dire sur les O.G.M. ? On pourrait résumer ce documentaire par un proverbe de conséquence : dis-moi qui tu es, je te dirai ce que tu peux dire. Árpád Pusztai, biochimiste et répondant en outre au titre de « lanceur d’alerte », l’a appris à ses dépends en 1998, année qui devait marquer sa carrière à jamais. Que s’est-il passé en cette période ? Rien ou si peu, une simple interview médiatisée de moins de trois minutes (150 secondes montre en main) dans laquelle Árpád exprimait son refus de consommer des aliments O.G.M. tant que des tests indépendants et sur long terme ne prouveraient leur caractère inoffensif. Il n’en fallu pas davantage pour devenir le bouc émissaire du lobby agroalimentaire.
On peut raisonnablement comprendre que plus d’un scientifique hésita par la suite à se lancer dans pareille (més)aventure... Si bien que très souvent, la condition d’un chercheur pour étudier le sujet est que son nom ne soit pas cité dans le rapport. Ceux s’exprimant le plus ouvertement étant en général les chercheurs en dehors du circuit, de retraités à démissionnaires, ne craignant donc plus pour leur carrière.
Comme toujours, plus on touche à de forts enjeux économiques, plus le risque est grand... Mis au ban de la communauté scientifique, Árpád a vu ses travaux confisqués et détruits. Les tests qu’il avait effectués venaient confirmer ses doutes : des rats nourris aux pommes de terre O.G.M. présentèrent des faiblesses immunitaires et des retards de croissance. Autant d’éléments « à charge » à l’encontre du biochimiste.
Le documentaire retrace les péripéties de notre homme, de sa mise en abîme jusqu’à sa réhabilitation. La projection au Nouveau Latina (Paris), suivie d’un verre et d’un débat entre la salle et les différents intervenants a permis d’en savoir davantage sur ce sujet délicat et ô combien d’actualité. Avant tout, le message se veut résolument optimiste. Non, malgré les pressions et coups bas, l’industrie agroalimentaire n’a pas les pleins pouvoirs ! De nombreuses actions ont été menées, au point que de nos jours la question ne laisse plus personne indifférent. Des lois ont du être votées devant l’inquiétude populaire et des victoires ont été remportées. De ce fait, l’étiquetage des fruits et légumes O.G.M. est obligatoire depuis plusieurs années.
Le nouveau combat mené porte sur la viande : pour l’heure, aucune traçabilité n’est en vigueur pour les animaux nourris aux O.G.M. La solution pour pallier à cela réside bien entendu dans le bio, qui n’est pas exempt de pesticides pour autant, les pluies seules suffisants à modifier la qualité de nos terres.
Quelle est donc l’état actuel des choses ? Il en ressort que le lobby agroalimentaire est toujours présent mais qu’on peut le combattre coûte que coûte. Aux prémisses de l’agriculture O.G.M., les industriels prétendaient pouvoir lutter, par ce biais, contre la faim dans le monde. Un argument qui ne tint pas longtemps, les citoyens s’apercevant bien vite qu’une telle entreprise est faite pour faire du bénéfice, et non pour l’humanitaire. Aujourd’hui, bio et agriculture raisonnée sont devenus des denrées prisées, et l’on semble bien plus soucieux qu’auparavant de la qualité de notre nourriture.
Le rêve de certains militants anti-O.G.M. serait de ne pas toujours viser la justification scientifique. Pour eux, un tel contrôle sur l’agriculture, ne permettant plus aux paysans d’être maîtres de leur plantation et de s’échanger des graines, est mauvais par principe. Un état d’esprit opposé à celui de l’O.M.C., qui stipule officiellement qu’aucun argument éthique ( !) ou non-scientifique ne pourrait être recevable. Sans doute le sujet de nouvelles luttes et de prochains débats...
En conclusion, si la cause est juste et que le débat post-projection fut fort intéressant, notons que le documentaire en lui-même n’est pas un chef d’œuvre. Semblant davantage conçu pour la télévision et le web que le cinéma, la réalisation n’apporte rien de particulier et traîne souvent en longueur. Le combat, celui du principe de précaution et de l’éthique alimentaire, n’en est pas moins noble, et ce type de projections reste à encourager.
Dir : Bertram Verhaag, 2010