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Une bonne came, mais un peu trop de clash.

CAMCLASH

mardi 17 juin 2014, par Clotilde Couturier

Eh, oui, Mydylarama s’intéresse aux émissions de télé… On vous arrête tout de suite : une fois n’est pas coutume ! Mais le petit écran nous a réservé une surprise que nous ne pouvions pas ignorer… « CamClash ». Cette émission novatrice et surprenante « rentre dans le vif ».

CamClash, l’émission qui veut dénoncer les incivilités, est saisissante. Les réactions face à ce concept sont enflammées ! Souhaitons qu’un embrasement semblable puisse se faire autour des sujets que l’émission joue dans l’espace public et met à l’écran.

Cam Clash : http://www.france4.fr/emissions/cam-clash

Véritable questionnement des comportements sociaux, CamClash propose d’observer les réactions des « passants » face à des situations choquantes : discriminations, agressions ou comportements exclusifs sont ainsi « imposés » en pleine rue.

Comment réagiront-ils ?

Il s’agit de disséquer notre société et l’attitude civile, ou incivile, de nos concitoyens et par extension, de nous-mêmes !

Au premier visionnage, CamClash vous scotche à votre fauteuil. L’émission, osée, originale, animée, vibrante, répond à toutes les attentes en matière de captation du spectateur, que ce soit intellectuellement, avec les enjeux sociaux et du vivre-ensemble que l’émission touche, ou émotionnellement avec la trame sensible qu’elle met en avant parmi les réactions des quidams. Cela fait longtemps que la télévision n’avait pas produit d’émission aussi stimulante.

La réussite de CamClash tient beaucoup à son montage particulièrement rythmé et accrocheur.

La structure de l’émission, avec ses trois sujets par session, revient sans cesse sur les teasers des prochains sujets à voir – restez assis s’il vous plaît – et sur les répliques « choc » des citoyens, remontées comme une action à revoir, à l’image du bon coup de pied propulsant le ballon dans le but…

On peut reprocher à l’émission cet aspect « spot publicitaire » mais il faut tenir compte du créneau (lundi soir 20h50) choisi pour la programmation de l’émission, et de l’offre actuelle en matière de divertissements télévisés. CamClash répond aux exigences des audiences, dont on sait qu’elles nécessitent une accroche forte du public, lequel aurait besoin d’être sans cesse sollicité pour ne pas zapper. Et ces techniques font déjà partie de notre environnement audiovisuel, que ce soit dans les séries américaines avec effets de tension toutes les 3 minutes ou dans la télé réalité avec ses moments d’action, ses instants « vérité » et ses effets… de teasing !

CamClash s’inscrit donc dans son époque et correspond tout simplement aux recettes qui font les émissions d’aujourd’hui.

— Caméras Cachées et Débordements

L’aspect Caméra Cachée pour tester les réactions des passants à des situations inacceptables est l’aspect le plus accrocheur de l’émission, l’angle d’approche qui plaît immédiatement. Car il existe en chacun de nous un justicier sûr de son bon droit et prêt à juger « l’autre », celui qui est à l’image.
De plus, les séquences choisies sont souvent fortes en émotions et ne peuvent pas nous laisser insensibles.
Cette qualité poignante est en même temps le plus grand danger pour CamClash. Dans les médias sociaux, on peut déjà, après seulement trois semaines d’existence de l’émission, être confrontés à des détournements des vidéos CamClash. Elles sont rediffusées sur Internet et partagées sans information quant à leur aspect fictif. Le procédé narratif qui à la base doit amener les citoyens à s’investir dans une solidarité citoyenne, les pousse sur les réseaux à se faire juge et bourreau, envisageant la justice sans procès comme une possibilité et appelant à la violence contre tel ou tel comportement.

Pour une émission souhaitant promouvoir le vivre-ensemble, le paradoxe est de taille. En même temps, l’ambition de sensibiliser le public est atteinte. Atteint aussi l’objectif de créer un débat et une considération citoyenne.

Mais le manque de responsabilité est tout de même à dénoncer, surtout quand l’application sur l’image d’une simple mention du style « La victime et son agresseur sont interprétés par des comédiens. » permettrait d’empêcher certains débordements. En particulier pour toutes les vidéos disponibles sur Internet.

Du fait de la même négligence, les groupuscules extrémistes n’hésitent pas à utiliser les images dénonçant des agressions pour les relier à des figures ethniques, religieuses ou vestimentaires et ainsi promouvoir la culpabilité de quelques-uns pour exhorter à la peur de tout le groupe. Ces dérives sont des conséquences immédiates de la conception et de la diffusion de CamClash. Il est surprenant que la chaîne laisse faire et qu’aucun suivi n’ait été mis en place. Ce choix de laisser faire permet de penser qu’il y a une plus importante volonté de faire sensation que de construire une société ayant des réactions solidaires.

La télévision reste une course à l’audimat, à la manipulation du spectateur avant tout, et c’est toujours à nous de faire le tri et de nous approprier les outils qui sont à notre portée pour aller vers le « mieux ».

Au moins, CamClash ouvre des pistes d’amélioration de soi et offre un réel questionnement de notre environnement social plutôt que de prôner la superficialité et l’exhibitionnisme.

— Localités et Nuances

Par contre, certaines évidences s’imposent : on aimerait voir les sujets traités dans différents endroits de France. Paris contre Marseille, Lyon contre Bordeaux… Quelles différences morales ? Quelles qualités de vie ?

En continuant à creuser les reproches à faire à « CamClash », on est en droit de se demander si tous les témoins ayant perçu une part incomplète de la mise en scène ont su quel en était le départ, car certaines séquences peuvent apparaître très différentes aux yeux de qui n’en voit qu’un fragment. Et les invectives de « départ » qui sont filmées pourraient ne pas être entendues par les témoins. Mais les « agresseurs » sont volontairement surjoués par rapport à la réalité, avec des paroles dites haut et fort, et répétées, ce qui permet d’éviter toute équivoque.

Cependant, au quotidien, c’est un discret « négro » qui va sortir l’air de rien de la bouche d’un quidam, et non pas une dithyrambe de quinze minutes qui permet à toute une rame de métro d’identifier l’agresseur(e) et l’agressé(e).
C’est une attitude plus taquine ou plus flatteuse, en tout cas plus douce, bien que toute aussi insistante et perverse, qui fait le harcèlement de rue.
C’est enfin un comportement mondain généreux et souriant qui cache la violence domestique.
Nous pourrions apprendre à déceler ces situations. CamClash ne permet pas cette approche, car elle veut à tout prix montrer au spectateur une situation évidente.
Sur cet aspect, CamClash a des améliorations à faire. Il faut laisser à l’émission le temps de s’installer, d’être adoptée par ses spectateurs. C’est une fois apprivoisés que nous serons à même d’apprécier des nuances et on peut admettre que pour ses premières diffusions, CamClash ait opté pour l’efficacité au détriment du réalisme. J’espère bien voir les prochaines émissions aller davantage vers le « vrai » plutôt que vers cette exagération qui « explique bien ce qui se passe ».

Aussi, la conséquence des tournages peut aller à l’inverse du but recherché (ce but étant de favoriser l’entraide) car pour qui voit la caméra alors qu’il ou elle s’apprête à réagir, le doute et l’inhibition s’installent et le jeu ressemble alors à une moquerie du réel, à une tentative de créer « de mauvaises émotions », comme la colère ou la tristesse. Mais cela ne doit pas concerner grand monde…

Au passage, de sincères félicitations sont à présenter aux comédiens qui prennent part aux tournages, car ils sont incroyablement criants de vérité. Quel talent !

— Electrique ou Eclairant

Un profond regret par contre, est que les interventions s’arrêtent là où commence la véritable solidarité. En effet, les quelques fois où les témoins des agressions choisissent de faire appel à la justice, en se rendant disponible auprès des services de police pour livrer un témoignage ou accompagner une victime à faire un dépôt de plainte, la caméra s’éteint automatiquement. Or, c’est cette seule démarche qui permet d’aider réellement notre société et la victime.

Tant que nous laisserons notre colère et notre soif d’héroïsme dominer des situations qui pourraient être maîtrisées par de véritables actes citoyens, nous ne ferons que repousser les problèmes trois rues plus loin et dix minutes plus tard. L’émission semble en avoir pris conscience parfois, par exemple dans le sujet sur les femmes battues en diffusant le numéro d’écoute anonyme 3919. Il semble aussi y avoir une amélioration sur cette question avec l’apparition dans certains épisodes de témoins qui mettent les mots justes sur les situations qu’ils sont en train de vivre comme « Ceci est du harcèlement » (« This is harassment » dans la version originale).

Malheureusement, cela ne semble pas encore systématique dans CamClash et là-dessus il y a vraiment un risque de plonger vers la surenchère et de générer des incivilités sous la forme d’un duel entre « l’attitude CamClash » et « l’attitude à exterminer », au lieu de permettre l’acte citoyen : la mise à disposition de soi-même au côté de la victime et la mise en relation avec les services de secours (le 112 ou le 17).

Mais une grande joie est que CamClash ne s’arrête pas au Clash et propose un vrai questionnement  : c’est l’intervention post-caméra cachée, où les anonymes pris au piège de la Caméra Cachée partagent leur ressenti, leurs réalités, leurs opinions. Et surtout, de réelles victimes des discriminations sont à l’origine des mises en scène et vont décortiquer les images et pousser au-delà le débat. Là, on touche enfin à l’essentiel. Dans cet acte à la fois témoignage du vécu et réflexion partagée, CamClash permet enfin d’appeler à la vigilance chacun d’entre nous.

Finalement si tout le reste n’est qu’une mise en scène pour pouvoir ouvrir le débat et libérer la parole, ça vaut le coup de prendre tous ces risques, car les sujets abordés sont primordiaux. C’est une belle avancée qu’on parle de ces différentes questions, que chacun(e) s’interroge sur ces réalités et prenne position.

La longueur de cet article est une preuve que CamClash nous donne vraiment matière à débattre !!!

Et prouve aussi l’existence d’une niche à explorer, d’échanges à créer et à stimuler… mais aussi à encadrer. Espérons que l’émission saura éviter l’écueil du sensationnalisme, s’affermir vers une ambition solidaire et s’inscrire dans la durée.

Souhaitons longue vie à CamClash !

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