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Court de la semaine : Travellers into the night - Ena Sendijarevic
dimanche 30 novembre 2014, par
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Il y a des chansons populaires, parfois un rien ringardes, qui deviennent des chefs d’œuvre obsédants une fois liées à un moment de cinéma.
Travellers into the night, le premier film de Ena Sendijarevic, est porté par une de ces chansons : Bette Davis Eyes, de Kim Carnes.
Soit une femme, d’un âge indéterminé, d’une beauté incontestable malgré ses traits tirés et son apparence discrète qui la fondrait presque dans le décor.
Elle travaille seule, de nuit, dans une station service perdue au milieu de l’autoroute. Un lieu replié sur lui-même, coupé du monde, uniquement traversé de quelques voyageurs aussi solitaires et las que celle qui tient la boutique.
Dans cet îlot oublié, tout peut arriver – qui le saurait ?
Entre alors en scène un jeune homme, les mains dans les poches, l’allure dégingandée. Il erre dans les allées, semble ne pas savoir très bien ce qui l’amène ici. Mais il a une fraîcheur amusée qui détone immédiatement dans ce monde endormi.
Une chanson passe à la radio. Il commence doucement à danser. D’abord méfiante derrière son comptoir, la femme se met à sourire, semble apprécier le divertissement, et – moment magique – finit par monter le volume.
Nous n’en dirons pas plus car peu importe l’histoire, tant ce film se joue dans les détails, les frémissements, les hésitations, les lueurs qui passent dans le regard.
Il faut saluer la performance sublime de l’actrice belge Bien de Moor, qui incarne tout à la fois l’ennui, l’abandon, la dignité, capable de changer d’âge en quelques secondes, de passer de l’abattement de la vieillesse à la gaucherie de l’adolescence.
À ses côtés, l’acteur Ward Weemhoff déploie un charisme étonnant, une ambiguïté troublante qui confère à son personnage de gringalet un vrai pouvoir de séduction.
La réalisatrice tire un parti très cinématographique de son no man’s land. Le format allongé de l’image parvient à rendre esthétiques des rayons de magazines et de paquets de cigarettes, tandis que le huis clos charrie avec lui ses fantasmes romanesques. Ajoutez à cela une montée en puissance sur un vieux tube des années 80, et vous obtenez un film entêtant, au charme durable.
Reizigers in de Nacht clip from Ena Sendijarevic on Vimeo.
On attend avec impatience le nouveau film de Ena Sendijarevic, Fernweh, dont le teaser ci-dessous confirme sa grande maîtrise des cadres et son penchant pour les ambiances crépusculaires.
Teaser FERNWEH from Zinzy Nimako on Vimeo.